Pour mieux l'entendre, je t'engage à fermer les yeux un moment, comme on prend du recul, sans quitter ta place sur ce banc, et à descendre avec ton esprit à l'intérieur de ton coeur pour tenter d'approcher ce qui nous définit ou nous distingue comme personne : non pas une volonté, mais une raison, qui restent l'individu, encore moins les pensées qui tournoient sous la voûte de ton crâne et qu'il te faut écarter comme les feuilles coupantes de la forêt vierge ; non plus seulement cette conscience vague dans laquelle nous baignons, mais plus loin, plus profond, plus clair et plus concis, quand le sentiment de soi s'affine dans le silence du recueillement, ce vibrato, ce chant de source, à la fois changeant et immuable, immobile et fuyant, cette note longuement tenue, ce murmure universel qui nous traverse de part en part, ce sentiment d'une rare pureté de l'être que nous sommes, ici et maintenant, et qui ne peut surgir qu'en parvenant à notre extrême singularité - oui, cette intériorité de plus en plus ouverte à mesure qu'elle se creuse et qui sonne comme l'alpha et l'omega de toute chose.
Philippe Mac Leod, Avance en vie profonde